Le 17 octobre 2018, le Canada est devenu le premier pays du G7 à légaliser l’usage récréatif du cannabis, ainsi que sa vente et sa culture, sur tout son territoire2. Depuis, les provinces ont hérité de certains pouvoirs relatifs à la légalisation du cannabis, dont notamment celui d’en contrôler la vente, la consommation ou encore la culture du cannabis à des fins personnelles.
Au Québec, il fût notamment décidé que la vente et la distribution du cannabis seront sous le monopole de l’État3 et que les endroits pour le consommer seront limités. Alors que l’âge pour sa consommation est présentement fixé à 18 ans, un projet de loi présenté par le nouveau gouvernement de la CAQ propose de fixer une nouvelle limite à 21 ans en plus d’interdire la consommation dans tous lieux publics4. Ajoutons au surplus que les propriétaires d’immeubles locatifs ont jusqu’au 15 janvier 2019 pour modifier les baux de leurs locataires afin d’y interdire la consommation de la plante5.
Notons finalement que le Québec se distingue des autres provinces, à l’exception du Manitoba, quant à la règlementation adoptée en matière de la culture du cannabis à des fins personnelles . Alors que la loi fédérale permet une production à des fins personnelles pouvant aller jusqu’à 4 plantes par habitation, tant le Québec que le Manitoba l’interdisent et sanctionnent cette pratique en imposant des amendes aux citoyens récalcitrants6, le tout étant considéré comme des infractions pénales. Par ailleurs, une production à des fins personnelles dépassant la limite de 4 plantes par habitation est considérée par le gouvernement fédéral comme étant une activité criminelle, à moins qu’une autorisation ait été accordée conformément à la loi7.
Le 25 octobre dernier, un premier citoyen québécois a déposé une demande en jugement déclaratoire mettant à l’épreuve la loi québécoise interdisant la culture à domicile devant les tribunaux8. Cette affaire pourrait avoir une incidence quant à l’état actuel de l’assurance de dommages au Québec, plus particulièrement quant aux polices d’assurance habitation, advenant que les tribunaux reconnaissent le droit des Québécois à cultiver leur cannabis récréatif sous leur toit.
À l’heure actuelle, la culture du cannabis à des fins personnelles reste une activité interdite dans les foyers québécois à une exception près, soit celle de la culture à des fins médicales. Bien qu’il soit possible depuis plusieurs années de cultiver du cannabis à son domicile ou au domicile d’une personne désignée par le patient qui possède (1) une prescription pour la consommation de cannabis médical et (2) une autorisation de Santé Canada pour la culture personnelle, il n’en demeure pas moins que cette nouvelle réalité est susceptible de créer des incertitudes quant au caractère assurable de ces activités.
Au moment de la souscription à une police d’assurance habitation, l’assuré doit déclarer les circonstances qui pourraient influencer de façon importante son assureur quant à l’établissement de sa prime, à son appréciation du risque ou sa décision de l’accepter9. En principe, cette obligation sera correctement exécutée si les déclarations faites reflètent celles d’une personne normalement prévoyante, sans réticence importante10. À défaut, de fausses déclarations et réticences pourraient donner lieu à la nullité de la police d’assurance émise11.
Lors de la déclaration de l’assuré en vue de la souscription initiale d’une police d’assurance habitation tout comme pour le renouvellement de la police, il serait souhaitable que l’assureur interroge l’assuré sur sa consommation de cannabis afin d’évaluer, tout comme pour le tabac, le risque potentiel d’incendie. Ainsi, si l’assuré répond par l’affirmative, l’assureur devrait poser des questions afin de déterminer si l’assuré cultive ou entend cultiver légalement du cannabis chez lui afin d’obtenir, le cas échéant, de l’information sur le type d’installations utilisées pour sa culture ainsi que sur la quantité de plantes cultivées.
Le fait est qu’en matière d’assurance habitation, l’assureur devrait chercher à déterminer le risque que représente la culture envisagée par l’assuré, selon les circonstances applicables, pour ultimement déterminer s’il choisit d’accepter ce risque ou non. Il va sans dire que le risque associé à la culture naturelle de quelques plantes dans des pots en céramique diffère grandement du risque associé à la culture d’une centaine de plantes axée sur la performance par le biais d’installations sophistiquées ou encore clandestines qui pourraient augmenter les risques d’incendies, de vols, de moisissures, de détérioration de la qualité de l’air, etc. En ce sens, il ne faut pas négliger qu’à l’heure actuelle, les patients détenant les permis nécessaires pour cultiver le cannabis à leur domicile peuvent se retrouver avec une autorisation de cultiver jusqu’à une centaine de plantes tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur domicile, et ce, pour leur seul usage médical personnel.
Or, il est de connaissance générale que les cultures illégales de cannabis de cette ampleur pour le marché noir entraînent un dépérissement prématuré des immeubles lorsque les installations sont inadéquates. Les risques d’incendie sont grandement augmentés, considérant que la culture du cannabis serait beaucoup plus efficace lorsque l’environnement est contrôlé par des facteurs tels que l’éclairage et l’aération.
Ainsi, il sera important pour l’assuré de déclarer son intention de cultiver du cannabis à son domicile afin d’éviter de se faire opposer une possible nullité de son contrat d’assurance, surtout si les installations utilisées pour la culture représentent un risque évident ou dénaturent de quelque façon que ce soit l’utilisation normale faite du domicile ou de l’une de ses pièces. À noter que pour obtenir la nullité de la police d’assurance, l’assureur devra faire la démonstration qu’il n’aurait pas accepté le risque relatif à la culture du cannabis s’il en avait été informé12. Pour éviter toute ambiguïté, l’assureur devrait questionner l’assuré à cet égard.
Par ailleurs, et advenant le cas où les circonstances entourant la culture du cannabis au domicile de l’assuré venaient à changer et ainsi influencer de façon importante son assureur dans l’établissement du taux de sa prime, son appréciation du risque ou sa décision de maintenir l’assurance, il sera important pour cet assuré de dénoncer promptement ces faits de nature à possiblement causer une aggravation du risque à son assureur13. Par exemple, une culture saisonnière effectuée dans un jardin extérieur initialement déclarée à l’assureur pour finalement être remplacée par une culture annuelle dans une pièce éclairée et aérée par des installations technologiques devra être dénoncée à l’assureur. Si dénoncé promptement, ce nouveau risque pourrait faire l’objet d’une résiliation ou d’un nouveau taux de prime, ce qui évitera à l’assuré la situation fâcheuse de se voir opposer la nullité de son contrat une fois le sinistre survenu14.
L’article 2402 du Code civil du Québec permet à l’assureur de se libérer de ses obligations découlant de la police d’assurance dans le cas où il y aurait violation de la loi et que celle-ci constitue un acte criminel, et ce, dans la mesure où l’acte criminel en est un qui encourt une sanction uniquement par mise en accusation formelle15. Autrement, les exclusions doivent être mentionnées spécifiquement au contrat d’assurance pour trouver leurs effets.
Auparavant, la possession ainsi que la culture du cannabis à des fins de trafic furent associées à des activités criminelles par les tribunaux16. Dépendamment du libellé de la clause d’exclusion générale associée aux activités criminelles, il était possible pour l’assureur d’opposer cette clause à son assuré et de ne pas lui verser d’indemnités suivant la survenance d’un sinistre.
Au Québec, bien que la culture du cannabis à des fins personnelles autres que médicales est interdite, la culture de 4 plantes ou moins n’est pas considérée comme un acte criminel. Pour ce qui est de la culture à des fins personnelles de 5 plantes ou plus, il s’agit d’un acte criminel pouvant faire l’objet d’une sanction par mise en accusation ou par procédure sommaire17. Considérant que le processus d’accusation est hybride, l’exclusion générale en matière d’acte criminel ne devrait pas trouver application. Ainsi, l’assureur voulant exclure ce risque aurait donc intérêt à formuler une exclusion spécifique à sa police d’assurance et à en informer l’assuré.
En fonction de cette nouvelle réalité, les assureurs devront se demander s’ils sont prêts à assurer les risques que présente la culture du cannabis à des fins personnelles, ne serait-ce que pour la culture à des fins médicales. La légalisation récente du cannabis, appelée à être contestée et/ou modifiée, fait naître plusieurs difficultés, dont celle d’établir les risques véritables et les primes conséquentes en l’absence de données et statistiques fiables dans le domaine. Bien que l’assuré ait l’obligation de divulguer les circonstances pouvant influencer son assureur dans sa décision, l’assureur a intérêt dès à présent à poser des questions précises, tant à la souscription qu’au renouvellement, quant à l’intention de l’assuré de cultiver du cannabis, le type d’installations qu’il entend exploiter, etc., d’autant plus que tout type de culture du cannabis ne se prête plus nécessairement à une activité illégale exclue de la police d’assurance. Encore une fois, l’assureur québécois devra se questionner sur l’opportunité d’inclure des exclusions spécifiques et qui sait, voir à encadrer les assurés dans le type d’installation représentant un risque assurantiel acceptable par voie d’engagement formel.
1 Les présentes ne constituent pas une opinion juridique et le contenu ne saurait en aucun cas être interprété comme tel. Il ne s’agit que d’un outil d’information d’ordre général qui ne peut remplacer la consultation d’un avocat.
2 Loi sur le Cannabis, LC 2018, c. 16.
3 Loi encadrant le cannabis, RLRQ, c. C-5.3.
4 Projet de loi n°2 : Loi resserrant l’encadrement du cannabis, en ligne : http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-2-42-1.html
5 Article 107 de la Loi encadrant le cannabis.
6 Article 10 de la Loi encadrant le cannabis.
7 Article 12 de la loi Loi sur le Cannabis.
8 Janick Murray Hall c. Procureur général du Québec, dossier de Cour portant le numéro 200-17-028561- 181.
9 Article 2408 du Code civil du Québec.
10 Article 2409 du Code civil du Québec.
11 Article 2410 du Code civil du Québec.
12 Gagnon c. Promutuel du Lac au Fjord, 2010 QCCQ 5078, par. 51 et ss. (Requête en rejet d’appel accueillie, 2010 QCCA 1798).
13 Articles 2466 et 2467 du Code civil du Québec.
14 Rocheleau c. Axa Assurances inc., 2014 QCCS 1860, par. 56 et ss.
15 Pour ce qui est des actes criminels faisant l’objet d’une accusation par voie sommaire ainsi que les infractions à caractère hybride dont le choix de poursuite est laissé à l’entière discrétion du poursuivant, ces derniers ne font pas l’objet de l’exclusion générale. Voir à cet égard Desjardins Sécurité Financière c. Émond, [2017] 1 RCS 358.
16 Voir notamment Promutuel Bagot c. Lévesque, 2011 QCCA 80; Zegil c. Compagnie d’assurance Missisquoi, 2012 QCCS 3788; Union canadienne, 2013 QCCA 677 (renverse la décision rendue dans Alexandre c. Union canadienne, 2011 QCCS 3441).
17 Loi sur le cannabis, art. 12 (9).
Si vous utilisez le cannabis à des fins médicales, vous pouvez faire une demande de consultation pour une prescription de cannabis à des fins médicales, le processus est simple, rapide et gratuit.
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